Féminisme canadien et ses contradictions internes. 

Il semble précis et procéduralement approprié de précéder à l’analyse de la question de l’article, la justification du titre : « Féminisme canadien et ses contradictions internes ».

Quand on parle de féminisme on ne peut pas faire comme si ce concept était un concept unitaire et uniforme, les féminismes sont multiples, divers et parfois contradictoires entre eux. Il n’y a pas un féminisme, il y a beaucoup de féminismes. Par exemple, il y a un féminisme en Allemagne, il y a un féminisme en Iran, il y a un féminisme en Corée du Nord, il y en a un autre aux États-Unis, etc., et les valeurs de tous ces féminismes sont évidemment contradictoires. Dans ce texte, on va s’occuper d’analyser le féminisme qui existe au Canada.

Les contradictions peuvent être de deux types; les contradictions internes et externes, et de deux manières; les contradictions déterminantes et non déterminantes.

Ainsi, nous pouvons obtenir les variables logiques suivantes: 

1- Contradictions internes déterminantes.

2- Contradictions internes non déterminantes.

3- Contradictions externes déterminantes.

4- Contradictions externes non déterminantes.

Nous n’allons traiter que les points 1 et 2 dans cet article, les points 3 et 4, bien qu’ils puissent nous aider à mieux comprendre la situation du féminisme, nous les laisserons pour un prochain article.

Les contradictions qui sont constitutives (Aristote) de tout système morphodynamique, comme une cellule, une société politique ou l’organisme humain, c’est pourquoi nous les appelons contradictions internes, eh bien ; ces contradictions, comme nous l’avons déjà dit, peuvent être déterminantes ou non déterminantes. Les déterminantes sont ces contradictions qui opèrent dans l’organisme et qui produisent la mort, par exemple un cancer. Les contradictions qui s’opèrent dans les organismes et qui ne produisent pas la mort, par exemple une carie dentaire, ne sont pas déterminantes.

Si on donne une valeur de 1 au féminisme et une valeur de 0 à la société canadienne, les contradictions internes qui affectent le féminisme peuvent ou non affecter la société. Si, d’autre part, nous donnons une valeur de 1 à la société canadienne et une valeur de 0 au féminisme, alors les contradictions internes de la société canadienne peuvent ou non affecter le féminisme. Seul un petit effort d’abstraction de la part du lecteur lui permettra de voir que les contradictions sont évidentes lorsqu’elles sont ainsi posées, car on ne parle pas d’humanité, ni d’amour universel, on parle de féminisme au Canada, c’est-à-dire qu’il suffit de lire le journal ou d’écouter la télévision pour voir les contradictions. 

Maintenant, nous pensons que le titre est justifié, alors passons à l’analyse de la question proposée.

Nous avons donc déjà déterminé comment le féminisme peut acquérir un sens politique dans la société canadienne, en justifiant le titre de l’article. Bien que les féminismes soient multiples, divers et mutuellement contradictoires, cela ne signifie pas que tous les féminismes ont la même importance politique pour la société canadienne. 

Les expressions « féminisme hégémonique », « féminisme officiel », « féminisme institutionnel », etc., sont utilisées depuis des années comme des concepts fonctionnels capables de permettre de caractériser le féminisme avec un maximum de réalité institutionnelle dans la société. Mais ces phrases posent des problèmes, par exemple ; comme on peut facilement le déduire, « hégémonique » dépend des paramètres où et quand ; où le féminisme était hégémonique et quand le féminisme était hégémonique.   Le féminisme hégémonique au Canada aujourd’hui n’est pas le même dans son contenu que celui qui existait ici il y a trente ans, de la même manière qu’il ne doit pas nécessairement correspondre au féminisme hégémonique ou officiel en Allemagne ou en Norvège, même si ses traits caractéristiques semblent être dans ce cas relativement uniforme dans sa distribution internationale. 

Nous pouvons ici nous engager à déterminer une liste d’au moins quatre caractéristiques du féminisme officiel dans la société canadienne actuelle, c’est-à-dire quatre caractéristiques qui nous permettent d’attribuer à celles dont le discours est présenté comme étant féministe, et analyser les contradictions internes déterminantes et non déterminantes de ces quatre caractéristiques, notamment les suivantes : 

Première caractéristique : 

1-Les femmes sont actuellement globalement désavantagées sur le plan éthique par rapport aux hommes. Ce désavantage s’exprime souvent à travers le concept de « privilège » : les hommes ont un privilège en tant qu’hommes sur les femmes. Cela ne veut pas dire que tout homme a des avantages dans la structure sociale canadienne sur toute femme, en ce sens qu’un travailleur à faible revenu né dans un quartier ouvrier devrait être privilégié par rapport à Valérie Plante (mairesse de Montréal), mais seulement qu’au sein de chacune de ces strates, les hommes sont privilégiés par rapport aux femmes de la même strate, c’est-à-dire les hommes nés dans des familles à faible revenu par rapport aux femmes nées dans des familles à faible revenu, et ceux issus de familles à revenu élevé par rapport aux familles à revenu élevé, et ainsi de suite dans toutes les strates de la société. 

Réfutation de cette première caractéristique :

Sur ce point, la principale confusion vient du fait de ne pas prendre en compte, dans l’analyse, de la situation des hommes et des femmes dans les sociétés actuelles comme la société canadienne, que les positions de statut social les plus élevées, comme chez les personnes les plus riches, les dirigeants des partis politiques, chez les chirurgiens ou juges, qui sont en fait majoritairement occupées par des hommes. Cependant, l’analyse donne un résultat différent lorsqu’il est vérifié que des postes de statut social précaires, tels que chez les sans-abris, les toxicomanes, les décrocheurs sans diplôme, les maçons, les balayeurs ou les nettoyeurs d’égouts, sont également occupés majoritairement par des hommes. Ainsi, ce n’est pas qu’il soit faux qu’il n’y ait pas autant de femmes aux postes de haut niveau, mais simplement que si les femmes ont tendance à occuper principalement des positions de statut « intermédiaire », les hommes semblent être plus enclins aux extrêmes, à la fois au-dessus et au-dessous de l’échelle sociale. Ainsi, le « bilan global », si vous me permettez la licence quantitative, des avantages et inconvénients éthiques correspondant à la situation des hommes et des femmes dans les sociétés occidentales modernes, particulièrement dans la société canadienne, sembleraient pencher vers un résultat neutre ou même légèrement biaisé vers un désavantage masculin. 

Le phénomène du suicide commence depuis peu à apparaître comme l’un des principaux défis et problèmes sociaux à résoudre dans ces décennies, mais par rapport à celui-ci, il ne faut pas oublier que le nombre de décès d’hommes par suicide au Canada demeure plus élevé que celui des femmes. Quant à la mort par accident du travail, c’est la même chose, il y a plus d’hommes que de femmes qui meurent au travail. En ce sens, il ne serait ni juste, ni réaliste de comparer le suicide ou la mort par accident au travail, et la soi-disant « violence de genre » à un dilemme fort : soit on aide les hommes, soit on aide les femmes. Ce dilemme serait inacceptable, car une bonne explication sociale des deux ordres de phénomènes ne devrait pas utiliser comme termes « hommes » et « femmes » en général, mais plutôt, plus précisément, certains hommes et certaines femmes dans des situations de travail spécifiques qui existent. Cependant, cela ne signifie pas que le contraste soit exempt de sens pour élucider adéquatement la question du privilège ou non de chacun des deux sexes.

Deuxième caractéristique : 

2- Dans notre société, il a existé et continue d’exister une série de stéréotypes de genre arbitraires qui désignent ce qui est féminin et masculin. Par exemple, le fait que les femmes décident de ne pas s’engager dans des carrières STIM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Mathématiques) est entièrement ou du moins principalement dû au fait qu’on leur a appris à croire que ce ne sont pas des carrières pour elles, étant donné que les femmes ont objectivement autant ou plus de capacité à performer en elles que les hommes. Elles ne trouvent pas de références féminines et les professeurs les discriminent dans les instituts par rapport aux étudiants masculins qui y sont, décourageant et supprimant les vocations des filles qui seraient autrement de grandes mathématiciennes ou ingénieures. En ce qui concerne la langue, le moyen de renverser cette situation serait le soi-disant « langage inclusif ».

Réfutation de cette deuxième caractéristique :

Dans le cas de ce que le féminisme officiel appelle les « stéréotypes de genre », une certaine partie de ces stéréotypes a été tentée d’être expliquée par des déterminants comme l’hypergamie, dans le cas des préférences sexuelles des femmes envers les hommes de statut social supérieur ou de grande taille. Ces stéréotypes ont également été tentés d’être expliqués par des facteurs hormonaux chez les hommes, tels que la testostérone en lien avec l’agressivité masculine plus élevée, et leur préférence pour les carrières impliquant le traitement d’objets et les exercices de systématisation conceptuelle, par opposition aux carrières impliquant le traitement des personnes, dont le plus grand nombre de femmes ne peut s’expliquer exclusivement par la socialisation culturelle. Il doit y avoir d’autres facteurs.

Troisième caractéristique :

3- Il existe un écart salarial entre les hommes et les femmes pour lequel les femmes sont discriminées pour le même travail, en étant moins payées. En prenant le total gagné par les femmes au Canada, et en le divisant par le nombre de femmes, et en prenant le total gagné par les hommes et en le divisant par le nombre d’hommes, on obtient une différence de gains de 20 à 30 %. Les mécanismes juridiques qui sanctionnent la discrimination à l’emploi des femmes ne fonctionnent pas, parce que les femmes n’osent pas le dénoncer de peur d’être licenciées ; elles sont donc aussi sans défense devant la loi comme elles l’ont toujours été.

Réfutation de cette troisième caractéristique :

L’écart salarial est un sujet qui, s’il intéresse la philosophie anthropologique et la théorie sociale, se prête moins à la critique philosophique et semble plutôt concerner davantage les études empiriques. Le problème est qu’il y a une grande majorité de ces études qui prennent en compte certains aspects, par exemple le nombre d’heures travaillées, et pourtant ces études empiriques sont passées sous silence.

Partout dans le monde, les femmes participent en moyenne moins longtemps au marché du travail, 30 heures par semaine contre 41 heures pour les hommes (Organisation internationale du travail, 2018). […] Ces données sont cohérentes avec les chiffres d’Eurostat, qui montrent qu’en Europe, il y a 31,2 millions de femmes et 9,5 millions d’hommes âgés de 20 à 64 ans qui travaillaient à temps partiel dans l’Union européenne en 2018, ce qui représente 19 % des emplois au total (Statistiques d’Eurostat, 2019), et avec les chiffres enregistrés dans le monde par l’Organisation internationale du travail (2016). Les statistiques canadiennes vont dans le même sens :

En moyenne, en 2007, les femmes ont fait habituellement moins d’heures de travail par semaine que les hommes à leur emploi principal (33,2 heures par rapport à 39,5 heures). Bien que tous les groupes d’âge suivent cette tendance, l’écart entre les heures de travail des hommes et celles des femmes était plus important chez les travailleurs âgés. (Source : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/71-222-x/2008001/sectionh/h-hours-heures-fra.htm)

En 2021, près de 22 % des femmes en emploi occupent un emploi à temps partiel au Québec. Cette proportion est d’environ 14 % chez les hommes. Tout au long de la période de 2005 à 2020, les femmes affichent une part d’emploi à temps partiel supérieure à celle des hommes. En 2005, l’écart était de près de 15 points de pourcentage. Par rapport à 2019, la part de l’emploi à temps partiel chez les femmes diminue d’environ 3 points de pourcentage alors qu’aucun changement statistiquement significatif n’est noté chez les hommes.  (Source : https://statistique.quebec.ca/vitrine/egalite/dimensions-egalite/travail/emploi-temps-plein-temps-partiel)

Quatrième caractéristique :

4- Chaque année, des dizaines de femmes sont assassinées au Canada pour le simple fait d’être des femmes, c’est-à-dire à cause de la violence sexiste. Le type de violence intrafamiliale qui va des hommes aux femmes est d’un type totalement différent de celui qui va des femmes aux hommes, dans la mesure où il trouve son origine dans les rapports de force asymétriques hérités de l’histoire entre les deux sexes auxquels se réfère l’idéologie du genre. Une théorie populaire qui exprime cela est l’analogie de la « pyramide du machisme ». A la base se trouveraient des comportements sexistes très fréquents qui n’ont pas de sens éthique particulier par eux-mêmes, appelés micro-machismes, par exemple, lorsqu’un homme et une femme commandent un cola et une bière, le serveur qui les sert comprend par défaut que le cola est pour les femmes et la bière pour les hommes, et au sommet de la pyramide se trouvent des pratiques aberrantes telles que le féminicide, la violence par orgueil ou le viol collectif. La récurrence des pratiques qui sont à la base, les micro-machismes, déterminerait que les pratiques aberrantes qui sont au sommet continuent d’exister. Par conséquent, pour prévenir le féminicide ou le viol, il serait essentiel de sensibiliser contre le sexisme en général par des moyens tels que des jouets pour enfants sans stéréotypes de genre ou un langage inclusif, et en particulier des campagnes contre la violence sexiste, ainsi que des mobilisations dans la rue qui font comprendre aux hommes que non, la femme ne leur appartient pas. 

Réfutation de cette quatrième caractéristique : 

Par rapport à la violence dite de genre, de nombreuses études montrent que cette violence est bidirectionnelle. Des études soutiennent que la violence intrafamiliale est formellement symétrique (des hommes aux femmes comme des femmes aux hommes), malgré le fait que les hommes ont tendance à avoir une plus grande force physique et que leur violence entraîne généralement des conséquences plus dramatiques, rien ne semble indiquer que la violence à l’égard des femmes soit un phénomène socialement accepté au sens d’une « culture machiste » chez la société canadienne. Ici des dizaines de millions de dollars sont alloués à des campagnes de sensibilisation, des nouvelles sur la violence sexiste font l’actualité, des activités sont également menées dans des centres éducatifs à travers le pays contre la violence sexiste, entre autres projets. De plus, il ne faut pas oublier que la majorité des victimes de violence et d’homicides, ne sont pas des femmes, mais d’autres hommes (entre 70 et 90 % des décès par homicide dans le monde sont des hommes). Partout dans le monde, d’innombrables études empiriques montrent aussi que les femmes sont violentes : ce sont elles qui tuent le plus leurs propres enfants, si l’on exclut l’avortement, elles initient autant, voire plus d’actes violents que les hommes dans le cadre du couple, et les lesbiennes rapportent plus d’épisodes de violence que les femmes hétérosexuelles. Les femmes ne sont pas exclues comme auteurs des violences les plus diverses, et leurs motivations ne diffèrent pas, la plupart du temps, de celles des hommes : la jalousie, le désir de posséder et l’intérêt économique sont parmi les plus courantes. 

Jusqu’à présent, on a tenté de critiquer chacune des 4 caractéristiques sous forme de réfutations, mais néanmoins, il reste à établir dans quelle mesure ces caractéristiques affectent la structure politique canadienne, qu’il s’agisse de contradictions internes déterminantes ou non déterminantes. 

À ce stade, les lecteurs peuvent être surpris par la réponse qui va être offerte. Aucune des 4 caractéristiques, même s’il s’agit de contradictions internes, ne sont déterminantes pour l’avenir de la société canadienne. C’est-à-dire qu’elles ne produisent pas un cancer d’une façon directe, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas d’influence négative de façon indirecte. 

Avec les critiques et les réfutations aux 4 caractéristiques que nous avons choisies, mais il y en a évidemment beaucoup d’autres, nous choisissons celles qui sont pour nous, les plus intéressantes d’un point de vue théorique ; elles nous ont suffi pour démontrer qu’il y a suffisamment de fausses apparences dans le féminisme officiel canadien qu’il faut démanteler. 

Maintenant, une chose sur laquelle il faut être très clair, c’est que le fait que le féminisme en tant qu’idéologie sociopolitique n’ait pas donné les résultats escomptés, ne veut pas dire que le féminisme continue d’être l’idéologie qui a le plus de force politique en Occident (quelle est l’autre ?). C’est l’idéologie qui a encore la plus grande capacité de convocation, c’est l’idéologie qui est capable de remuer plus de matière théorique, plus d’idées, grâce à ses méthodologies marxistes, à ses méthodologies analytiques, c’est l’idéologie qui a su mettre en évidence de nombreuses discriminations qui existent au sein la société, mais aussi, le féminisme, c’est l’idéologie qu’il faut repenser, c’est l’idéologie qu’il faut restructurer sur la base de concepts beaucoup plus opérationnels, pour que le féminisme puisse continuer son combat pour cette égalité à laquelle il aspire tant.

Nous concluons en disant que le féminisme, la famille et la théorie du genre feront l’objet de certains des prochains articles, car ces sujets ont la capacité de toucher de nombreuses questions qui concernent tous les membres de la société.

À bientôt mes chers amis. 

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